Cid CORMAN
L’œuvre de Cid Corman est dispersée en plus d’une centaine de publications invisibles — unique, inclassable, elle fait exister un monde pleinement nôtre, en dehors cependant de tous les sentiments et systèmes auxquels nous avons habituellement recours pour le percevoir et le comprendre.
Cid Corman est né le 29 juin 1924 à Roxbury, près de Boston, Massachusetts, USA. Il est mort à Kyoto le 12 mars 2004.
Sa vie a été toute entière consacrée à la poésie. Il n’a fait que cela ; il fut, sporadiquement, enseignant — professant qu’un enseignant n’a rien à apprendre à ses élèves.
Il quitte son pays en 1954, n’y vivra plus durablement, reste deux ans en France où il connaît Michaux, Ponge, qu’il traduit. Puis encore deux années en Italie, à Matera, dans le sud du pays, où il compose Sun Rock Man qui marque le début de son écriture propre. Il arrive à Kyoto en 1958, y passera le restant de ses jours, à la limite entre la ville et les collines boisées, cette inflexion où sont les temples.
Dans sa revue, Origin, commencée à Boston, continuée à Kyoto, il a été le premier à publier des poèmes du MAXIMUS de Charles Olson, mais aussi les premières œuvres de Robert Creeley, de William Bronk, ou le A 1-12 de Louis Zukovski. Et George Oppen, Lorine Niedecker, George Evans, etc. : une bonne partie de ce qui a compté et inspire encore des œuvres, des années 50 aux années 80. Et tout cela en amitié, en dispute — sa correspondance avec Olson occupe deux volumes d’échanges vifs et argumentés. Nombre de ses textes théoriques sont controverse, affirmation, — ainsi, avec William Carlos Williams, sur le rythme et la mesure.
Ses traductions suivent immédiatement ses lectures, elles nourrissent ses recueils, sa réflexion, son style. Il a un dialogue continu avec la poésie française. Du français, outre Henri Michaux, Francis Ponge, René Char, il traduit Philippe Jacottet, Jean-Paul de Dadelsen, André du Bouchet, Jean Daive, Claude Royet-Journoud, Didier Cahen, Henri-Simon Faure, Alain Malherbe, etc. En 2002, il publie The instant of my death de Maurice Blanchot (remue.net/cont...), chez Longhouse.
Du japonais il a traduit Santoka, Basho, Buson, Issa, Shiki, Saigyo, Sengai, Shimpei.
De l’italien Eugenio Montale, Roberto Sanesi, Rocco Scottelaro.
Cid Corman est peut-être le poète le plus prolifique du siècle passé : il pouvait écrire un recueil par jour.
De ses publications dispersées émerge son grand œuvre, OF, un ensemble de cinq recueils de 750 pages chacun, mêlant ses traductions (dans la première partie de chaque volume) et ses propres poèmes (dans les quatre autres). Les trois premiers volumes ont été publiés, il venait d’achever la préparation du cinquième avant de subir cette attaque cardiaque, fin 2003.
Son départ pour Kyoto, loin des lieux de consécration, son indifférence à l’égard de la politique littéraire et de la gloriole, sa générosité traductrice, son intérêt toujours vif pour les jeunes poètes inconnus, sa correspondance du tac au tac avec tous ceux qui s’adressaient à lui, ses publications chez de tout petits éditeurs, à 50 ou 10 exemplaires, mais souvent cinq ou dix ou vingt titres dans l’année, ont fait de lui une sorte de marginal largement respecté, de ressource universelle peu remerciée, d’inconnu largement connu mais non officiellement reconnu.
Le thème de la mort dans la vie, il a inventé un mot pour le dire, livingdying, vivremourir, est au fondement de son œuvre entière.
Dans une lettre du 13 mai 1983 à Roger Laporte (publiée dans In’hui n°48) dont il a traduit MORIENDO, il raconte l’expérience initiale, vitale, qui est une expérience de mort.
« On vit — prenons ceci comme une grâce autant que comme un fait — et vivons jusqu’au bout. Pour moi (et le titre d’un de mes principaux volumes de poésie est LIVINGDYING) le fait de pouvoir vivre à travers son mourir est fondamental »
« C’est une expérience que beaucoup d’entre nous ont connue, et que j’ai eue à l’âge de six ans, et qui est restée VIVACE (con molto vivace) toutes ces années. On m’amena dans un hôpital de Boston pour m’opérer des amygdales (une opération bien inutile mais fréquente à l’époque). Je n’avais jamais encore quitté ma maison. L’hôpital était comme un bâtiment administratif de Kafka : non seulement sinistre en tout - il était très froid - aucun sentiment humain chez quiconque - des murs vides et blancs et des chambres loin des équipements. On me coucha sur une table d’opération et il faisait très froid (ou peut-être était-ce seulement le lit ou la table de l’anesthésiste, puisque c’est la seule image que j’en garde) et noir, et le masque d’anesthésie descendit sur mon visage, se fixa solidement sur mon visage, ma bouche et mon nez. Je crus que j’allais mourir asphyxié. Une pure terreur. (Cela changea ma vie.) »
(In’hui n°48, pp. 87-88, traduction de Jean-Michel Rabaté).
Dans une « transvision » du Tao tö King (HOW/ NOW, Spike / Cityful Press, Boulder, Colorado, USA, 1995), donné comme un texte universel, au-delà de toute religion, il ramasse d’une formule l’essence de ce texte : « It is beyond hope and beyond despair. It is the word of livingdying feeling how life means only as it lives at the point of death — the vanishing point — where nothing and all become indistinguishable.” Cette formule s’applique entièrement à sa façon d’être : une position radicale, maintenue avec constance, qui mettait sa générosité à l’abri de l’indifférence d’autrui.
Ses poèmes nous tiennent dans cette région où rien et tout deviennent indistincts, y touchent exactement.
Recueils de Cid Corman
En anglais, on trouvera un catalogue de ses œuvres diffusées par son ami Bob Arnold à cette adresse :
www.longhousepoetry.com/corman.ht...
De nombreux poèmes lisibles sur la toile, toutes les bonnes adresses un peu plus bas dans cette page.
En français, peu de traductions en volumes.
: eau-forte, grâce à Rüdiger Fischer (Éditions en Forêt)
rien (un désir) grâce à Jean Monod (AIOU).
Une traduction de deux recueils fondateurs, Stead / Lieu et Livingdying / Vivremourir, dans une traduction de Barbara Beck et Dominique Quélen parue grâce aux bons soins de François Rannou, à l’enseigne de sa maison d’édition La Rivière Échappée : www.lariviereechappee.net/spip.php?article...
Études, articles sur l’œuvre de Cid Corman
In’hui n°48, pp. 87-88, traduction de Jean-Michel Rabaté. Ce numéro de la revue de Jacques Darras est le seul ensemble sur Cid Corman publié à ce jour en français. On y trouve des poèmes et des proses de Cid Corman - son essai, La parole : comme elle vient : est poésie (autres notes sur la poésie orale) ; l’article de William Carlos William À propos de la mesure — pour Cid Corman ; des poèmes de Lorine Niedecker, Lyle Glazier, Clive Faust, George Evans, Bob Arnold. Et, en fin de volume, plus de trente pages des lettres écrites par Cid Corman à Roger Laporte entre 1983 et 1989.
On trouve cette revue chez l’éditeur : Le cri, rue Guillaume Stocq, 43 ; B 1050 Bruxelles (téléphone : 00 32 (0)2 732 35 32 begin_of_the_skype_highlighting 00 32 (0)2 732 35 32 end_of_the_skype_highlighting begin_of_the_skype_highlighting 00 32 (0)2 732 35 32 end_of_the_skype_highlighting).
L’essai La parole : comme elle vient : est poésie (traduction de Jacques Darras) a été repris dans en mai 2004 sur remue.net. On lit cet article fondamental sur le rôle de la voix et du souffle dans la poésie à cette adresse : remue.net/spip.php?article6...
Dominique Dussidour reprend le dernier vers du poème 27 de Lieu, "(...) comme une grenouille qui se demande où tombera mon pied." - et elle nous montre comment vibre le poème entier dans cette suspension : "Le pied n’est pas encore tombé sur la grenouille, la grenouille n’est pas encore écrasée sous le pied que la phrase retient." écrit-elle.
Lire le pied, la grenouille, la question animale :
remue.net/spip.php?article28...
Sur la toile
The Cid Corman Memorial Fund :
www.archerdulac.com/neworigin...
La page internet de CC lui-même (en japonais) :
www.cc-s.net/corman.ht...
Une présentation de Bob Arnold et une anthologie de ses poèmes, de ses traductions, des poètes qu’il a édités, le tout en anglais, The next one thousand years :
www.longhousepoetry.com/cormananthology.ht...
Ses papiers, manuscrits, photos, traductions & œuvres diverses ont été vendus en 2005 à l’université d’Indiana. Tout est répertorié ici :
www.indiana.edu/~liblilly...
Dans les longues listes qui décrivent très succinctement ce legs, je trouve avec émotion ses piles de livres, les traductions qu’il faisait à la volée seulement pour lire le travail de son correspondant ou d’un auteur dont il cherchait le souffle, la liste de ses correspondants avec les bornes de début et de fin de l’échange et le nombre de dossiers, parmi ces correspondants le nom de mon ami Rüdiger Fischer, sûrement trace de sa traduction en allemand de Sun Rock Man, je trouve aussi, tout au fond de la page "writings", ce soudainement compact "Boxes 67-95 / Worksheets of poems", on compte : 29 boîtes, et je revois ces piles de manuscrits qu’il avait derrière lui, dans son bureau, quand nous parlions lors de nos retrouvailles du dimanche après-midi, comme des falaises de craie toujours plus grandes. Tout cela est à éditer.
CC vu par Lorine Niedecker
epc.buffalo.edu/authors...
Reportages & interviews : CC à Kyoto
Brad Haas a écrit le meilleur article que je connaisse sur la situation de CC (centrale, périphérique…) dans Flashpoint, revue d’art et de politique, n°4, hiver 2001 :
www.flashpointmag.com/core.h...
Dans la même revue un long et superbe entretien conduit par Philip Rowland :
www.flashpointmag.com/corman1.h...
www.flashpointmag.com/corman2.h...
Un entretien avec Taylor Mignon, en août 2002, publié d’abord dans Kansai Time Out, repris maintenant sur le site PacosVillage :
www.pacosvillage.com/articles...
Les deux hautes piles de papier derrière lui, sur sa droite, ce sont ses manuscrits ; il y ajoutait de nouvelles feuilles chaque jour.
Une belle photo de CC en N/B, des souvenirs de sa boutique de pâtisseries, des souvenirs de CC, des poèmes, un entretien avec Gregory Dunne :
www.kyotojournal.org/kjselections...
La radio, la poésie orale, l’improvisation
Pour entendre une des émissions de radio de CC, et le lire s’expliquer sur le rapport entre la radio, la relation directe avec les auditeurs, l’enregistrement audio, l’improvisation et son écriture, une page de compte-rendu d’une rencontre avec des étudiants : writing.upenn.edu/wh...
Lire aussi "Cid Corman on poetry over the radio, October 1952" : www.writing.upenn.edu/~afilreis...
CC lit des poèmes et répond aux questions du poète William Bronk, lis quelques-uns de ses propres poèmes - une belle collection d’enregistrements de sa voix sur le site de l’université de Pennsylvanie :
writing.upenn.edu/pennsound...
Un texte de Cid Corman sur la poésie à la radio, datant de 1952 :
writing.upenn.edu/~afilreis...
Des poèmes sur la toile
Six poèmes publiés dans Oyster Boy review, n°12, San Francisco, janvier – avril 2000 :
www.oysterboyreview.com/archived...
Un poème, « The other » :
www.math.buffalo.edu/~sww...
Poèmes extraits de « The Despairs », Cedar Hill Publications, 2001, sur le site de Bob Arnold Lonhouse :
www.longhousepoetry.com/cidpoems.ht...
Une « poignée de poèmes » (5 exactement…) sur le site de Street Voice, premier numéro de ce magazine littéraire, « publié irrégulièrement sur internet » par Andreas Weiland (Aachen, Allemagne) :
www.street-voice.de/Cormanpoems...
Trois brefs poèmes sans titre (publiés dans vert/poetry magazine) :
epc.buffalo.edu/mags...
CC traducteur
23 poèmes de Wang Wei (« transvision » datée du 20 octobre 2000) sur le site de John Martone, tel let :
www.ux1.eiu.edu/~jpmartone...
Le poète Clayton Eshleman caractérise le style de CC traducteur, à propos de sa traduction du dernier journal de voyage de Basho - "To the best that I can tell, it is the finest translation of haiku (and haibun, which is prose accompanying haiku) that has ever been done in English." :
www.cipherjournal.com/html...
Catalogue CC
Le catalogue CC chez Longhouse : pour acheter ses livres directement chez son ami, éditeur et diffuseur, l’écrivain, charpentier et maçon Bob Arnold :
www.longhousepoetry.com/corman.ht...
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Extraits disponibles
Poèmes · Assis sur le pot... · BIZNESS AS USUAL · Ils contribuent à la tasse... · Je ne voulais rien... · LAS MENINAS · Le mendiant · Oui – Clarté · Pas d’autre sens...
Recueils de Cid CORMAN sur PoésiesChoisies.net · : eau-forte · rien (un désir)
Revues sur PoésiesChoisies.net · In’hui : 48
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