Chacun des cinq chapitre d’Une Anthologie est précédé d’un texte trouvé [1] et c’est la lecture de ce texte - ou plutôt, l’écoute de ce que fait sa lecture - qui donne la matière du chapitre.
Vous trouverez ci-dessous le texte prétexte du troisième chapitre, une lettre de M. Paul Faiveley à la rédaction de PHÉNOMÈNES SPATIAUX tel qu’il a été publié dans le n° 32 de cette revue en juin 1972.
Lire ce texte avant de lire le chapitre trois d’Une Anthologie, « En 1934, le 14 juillet, vers 23h30 ».
Vous pouvez aussi le garder ouvert dans une autre fenêtre pour l’avoir sous les yeux et pouvoir y revenir pendant votre lecture.
C’est la thèse n°10 qui serre au plus près ce chapitre trois.
Nous sommes en 1934, le 14 juillet, vers 23h30.
Depuis deux semaines, je suis en Angleterre, non loin de Ringwood, dans le New Forest, région de Southampton.
Je me trouve donc, avec quelques garçons de mon âge, chez Mrs Fraser, dont la maison isolée est située dans une vaste clairière, au lieu dit Picked Post. Le matin, nous suivons des cours d’anglais ; l’après-midi nous faisons du cheval et nous profitons aussi de la piscine. Celle-ci se trouve à environ 800 mètres de la maison qui est située en bordure d’une route de campagne. La piscine est à l’opposé de la route par rapport à la vaste maison de Mrs Fraser. Pour aller de la maison à la piscine, il faut marcher en terrain plat sur 400 mètres environ, puis en pente douce, pour arriver à la piscine d’où l’on ne peut voir la maison.
Cette piscine est à l’orée de la forêt. Trois ou quatre cabines se trouvent là pour y déposer nos vêtements. Ce 14 juillet 1934, j’étais allé nager, puis j’étais rentré à la maison Fraser, par le plus court chemin, pour l’heure du dîner.
Regagnant ma chambre vers 23h30 (la suite explique cette précision), j’ai repris un livre de Maupassant, en français, trouvé dans la bibliothèque du rez-de-chaussée. Peu après, je décidais de me coucher.
Or, j’ai toujours conservé l’habitude de ranger soigneusement mes vêtements et tout ce qu’ils contiennent avant de me mettre au lit.
Je m’aperçus ainsi, ce soir-là, que je n’avais plus mon porte-monnaie qui contenait les livres sterling nécessaires au paiement de mes frais de séjour. L’idée me vint alors que je l’avais probablement oublié sur la planchette de la cabine de bain. Il fallait que je m’assure au plus vite qu’il se trouvait là. Je me rhabillais rapidement, en évitant de réveiller Roy, avec qui je partageais cette chambre donnant côté piscine.
Sortant de la maison, j’allai, sans pouvoir marcher bien vite, vers la piscine, par l’itinéraire le plus court, c’est à dire en ligne droite, comme d’habitude. Il faisait noir. Je marchais prudemment et atteignis enfin la cabine en question. Passant la main sur la planchette, je sentis un objet, qui était effectivement mon porte-monnaie. Je n’avais plus qu’à effectuer le parcours dans l’autre sens pour aller dormir.
Je marchais depuis quelques temps, sous un ciel pur, et je n’étais pas encore parvenu à mi-pente, lorsque j’eus l’impression que tout devenait plus clair. Cette impression devint vite une constatation quand je vis mon ombre devant moi, de plus en plus nette. Rapidement, elle se rapetissa. Tout était d’une clarté extraordinaire. Je m’arrêtais. A cause de mon ombre, je me retournai en m’arrêtant, mais machinalement, sachant que, d’où je venais, il n’y avait pas de route, et donc pas de voiture. Aussi loin que je pusse voir, tout était éclairé. Mais instantanément mon regard prit la direction que le réflexe lui imposait. Et, exactement à la verticale, je vis un disque éblouissant qui se déplaça lentement pour enfin s’arrêter en quelques secondes un peu en avant par rapport à l’endroit où je me trouvais, mais, vers la maison et, presque encore à la verticale de mon point de stationnement, il fut entouré, de façon parfaitement circulaire, d’une extraordinaire lumière bleue.
J’étais tellement sidéré que je ne bougeais plus. Je me souviens d’avoir dit tout haut, et donc pour moi seul : « Mais qu’est-ce que c’est ? », plusieurs fois de suite. Je ne pouvais que rester ainsi à regarder cette chose magnifique. Je suis sûr d’un point, c’est que cet objet est resté immobile, complètement immobile et rayonnant, pendant au moins deux minutes. Je regardai, sans bouger. Puis, le disque restant toujours aussi éblouissant, l’anneau bleu commença à pâlir, puis il n’y eut plus d’anneau bleu. Ensuite, le disque, perdant lentement son éclat, devint blanc pâle puis, approximativement, jaune d’or, mais en restant toujours immobile. Alors, il passa au rouge et commença à se déplacer lentement. Puis il accéléra et s’éleva. Il était toujours rouge et, pendant un très court moment, il y eut sur son pourtour une projection de points jaunes et brillants.
J’ai entendu un bruit, comme celui d’un vent dans les arbres. Mais il n’y avait pas de vent.
L’objet s’est alors élevé à une vitesse incroyable. Je l’ai suivi du regard jusqu’à ce qu’il ne fût plus qu’un point rouge dans un ciel rempli d’étoiles, et il disparut.
Je pense être resté immobile peut-être plusieurs minutes après que l’objet eut disparu, sans songer à autre chose qu’à ce que je venais de voir.
Quand j’eus regagné ma chambre, je voulus parler à Roy de ce que j’avais vu. Je dus le secouer pour qu’il se réveillât. Dans cette chambre dont les volets n’étaient pas fermés, la lumière émise par l’objet aurait pu le réveiller. Mais Roy dormait quand je rentrai. Aussitôt je lui racontai ce qui dut lui paraître une histoire idiote et, pour lui, dénuée d’intérêt. Dès lors, malgré qu’il fût bien réveillé et capable d’attention, il me pria gentiment de le laisser dormir.
Ce fut à ce moment que je compris tout le mal que j’aurais à convaincre les autres tant cela sortait de l’ordinaire. Le lendemain matin, je fus le premier en bas, où nous prenions chaque jour le breakfast, et mon histoire n’intéressa personne. Ce fut l’indifférence ou des réflexions peu agréables.
À la fin de mon séjour, je partis pour Plougrescant, près de Tréguier, dans les Côtes-du-Nord, où des cousins allaient en vacances chaque année en été. Une de mes cousines, à qui je racontai tout ceci, se souvenait parfaitement d’avoir observé une « étoile filante » particulièrement brillante le soir du 14 juillet, alors qu’elle se trouvait dans une lande voisine de cette maison avec Michel Robida, dont elle est la femme. Mais ceci ne prouve pas qu’il y ait eu un lien entre leur observation et la mienne, en pleine nature, dans le New Forest.
Je n’oublierai jamais ce soir du 14 juillet 1934.
(...)
En 1951 ou en 1952, France-Soir demanda à ses lecteurs qui avaient été témoin de quelque chose d’insolite en ce domaine des phénomènes célestes, d’envoyer au journal le récit et les circonstances des observations qu’ils auraient faites.
Ce que je fis.
Je n’ai jamais entendu parler, par la suite, de ces témoignages envoyés à France-Soir.
J’ai beaucoup regretté plus tard de n’avoir pas cherché à savoir si d’autres personnes dans New Forest avaient été témoin du phénomène. Malgré l’heure tardive, il a bien dû se trouver dans la région des observateurs et un tel phénomène est inoubliable.
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