Pour des raisons que je ne connais pas, peut-être analogues à celles qui exigent des peintres qu’ils travaillent par séries, des recueils ou, non, plus large, des recueils de poèmes et des proses, travail de quelques années, vont ensemble, font grappe.
Ainsi de
- Changeons d’espace et de temps ;
- de Poèmes improvisés sur des thèmes siciliens ou crus tels suivi de Fabrique de clichés ;
- de PP ;
- et de Un Hymne à la paix (16 fois).
C’est pour écrire les seize variations de Un Hymne à la paix que j’ai composé les trois autres ensembles.
Un Hymne à la paix (16 fois) fait entendre quatre voix (Homme, Femme, Justice, Bourreau) en solos puis en duos, en trios, en quatuors.
La situation initiale de chacun des Hymnes à la paix est la suivante : la guerre vient juste de finir, le ciel est sans avion, on peut traverser la rue sans risquer de se faire tuer, on peut penser à demain, et dans cet avenir soudain distendu, ouvert, indéterminé, on voit se dessiner une manière ou une autre de vivre en paix.
Quatre voix combinées entre elles : c’est le nombre quatre qui gouverne.
C’était la première fois que j’écrivais des poèmes pour la voix haute, peut-être même pour le chant, des sortes de chant ; je voulais que le lecteur soit embarqué dans une improvisation, un inachevé, prenant au pied de la lettre le mot "manuscrit" dans l’expression "manuscrit peint" employée par Anne Slacik ; comment avance-t-on avec ce qui est déjà dit quand on progresse dans une combinatoire ?
Après une première esquisse des Hymnes, j’ai composé successivement, pour répondre aux questions qui se posaient, pour essayer des solutions, pour habiter et visiter l’espace qui se présentait à moi, dans lequel j’écrivais :
- Changeons d’espace et de temps (huit fois on parcourt l’espace et le temps étendus et changés comme dans un rêve, on éprouve l’entente, la coopération) : comment et par quels efforts trouver failles et libertés et changements dans un univers très déterminé ? Peut-on écrire une poésie non de « je » mais de « nous », et nous existant dans sa confrontation à l’impersonnel ?
- Poèmes improvisés sur des thèmes siciliens ou crus tels (on prend des clichés dans une narration sicilienne et on les retourne, ce sont des voix, des prises de parole qui en donnent l’énergie) : peut-on entendre la violence des clichés et se confronter à eux sans les nier ? Quelle sorte d’événement représente, dans un poème, le renversement d’un cliché et quelles formes peuvent s’en dégager ? Quelles forces, quelles présences sont induites par des voix qui sont à la fois de personnes et d’entités ?
- PP (nombre indéterminé de parcours dans un cycle de poèmes inspirés du cycle de vie du polypropylène) : peut-on écrire une poésie qui défait l’euphémisation ou s’en joue alors même que la fabrique poétique y porte ? Comment jouent ensemble l’impersonnel et l’histoire, et des rapports entre échelles de temps très petites et très grandes ?