Le CALCRE [1] regroupe des auteurs victimes du compte d’auteur. Les poètes sont loin d’être les seuls, ils représentent en 1985 environ un tiers de l’effectif de l’association. Celle-ci regroupe aussi des historiographes, des romanciers, des nouvellistes, des auteurs d’aphorismes, etc. — de tous âges et toutes professions.
Leur point commun est d’avoir ignoré, au moment où ils mettaient leur manuscrit sur le marché littéraire, les règles du jeu.
Devenir membres de l’association est pour eux une manière de faire reconnaitre leur existence d’écrivain sans qu’ils parviennent pour autant à faire admettre leur légitimité.
En effet, le procès à celui qui se fait passer pour un éditeur est tout entier fondé sur l’idée que l’on ne savait pas, avant, ce qu’est un "vrai" éditeur, que l’éditeur à compte d’auteur le sait et que l’on a été sa dupe.
En d’autres termes, la situation de l’association est d’être, pour ceux de ses membres qui accèdent à cette connaissance et en jouent pour accéder enfin à la publication, une porte d’entrée dans le champ littéraire. Tandis que pour ceux qui persistent dans leur statut de marginal de l’écriture et de la publication, l’adhésion à l’association matérialise la prise de conscience de ce statut : sans doute est-on toujours écrivain, ou écrivant, dédaigné et ignoré, mais au moins est on devenu un consommateur qui se défend.