Pour je ne sais plus quelles raisons, en septembre 2006 l’Institut français de Madrid et l’Institut Cervantès de Paris ont envoyé un questionnaire à un grand nombre d’écrivains de poésie ; il devait y avoir un colloque ou deux au printemps 2007 peut-être ; je ne sais plus s’ils ont eu lieu.
Leurs questions sont habituelles : de celles qu’il est normal de poser quand on ne sait trop ce qui se passe dans le domaine poétique aujourd’hui ; qui ramassent, dès lors, ce qui s’en dit. Ce à quoi on se heurte. Le brouillard de lieux communs dont on aimerait se dégager pour entrer dans une conversation attentive et sans arrières-pensées.
Mais cette ignorance manifestée, donc, par des professionnels qui pourtant devraient savoir de quoi il s’agit, qui sont payés pour ça, et qui s’apprêtaient à belles dépenses qu’il eut été impossible d’obtenir de leur conseil d’administration sans le prestige de ce que le brouillard appelle « poésie », un capital symbolique, dit P. Bourdieu, dès lors prestige détourné, tour de prestidigitation, détournement de fond.
Si ces questions avaient été posées par mon voisin ou ma voisine, ou dans une classe, ou à l’occasion d’une rencontre amicale, j’aurais répondu sur un tout autre ton. Quand même les réponses sont transcrites ici ; on espère qu’elles inciteront à aller au-delà des idées toutes faites.
Les questions :
Que reste-t-il des liens originels entre poésie et sacré ? Entre poésie et philosophie ?
Y a-t-il nécessairement un « moi » en poésie ? Y a-t-il encore de nos jours des thèmes réservés à la poésie ?
Les formes poétiques fixes (telles le sonnet) et les rythmes consacrés par la tradition ont-ils encore une justification en poésie ? Une rupture radicale avec la tradition poétique est-elle possible ? Souhaitable ?
La poésie est-elle faite avant tout pour être lue à haute voix ?
La poésie est-elle témoin de son époque, ou peut-elle s’engager ?
Peut-on traduire la poésie ?