L’association L’univers des sons qui a son siège à Escamps, un village pas très loin du nôtre, est à l’initiative d’une semaine des sons à Joigny.
Sous le titre "Lire et entendre en couleurs", j’ai proposé quelques expériences de lecture, une esquisse de ce que pourrait être la première journée d’un atelier d’écriture que je ne ferai sans doute jamais.
L’audition colorée est en général considérée comme une curiosité insignifiante. En neurosciences et en psychiatrie c’est un phénomène rare et intéressant, comme tout ce qui est excentrique dans ces sciences où on cherche l’exception pour atteindre les fonctionnements les plus généraux. En esthétique, depuis La correspondance des arts d’Étienne Souriau, peu de choses ou rien.
Je prends le parti opposé. Je pars du principe qu’une majorité de personnes entendent, peuvent entendre, entendent parfois mais n’y font pas attention ou n’y donnent d’importance, pourraient entendre si elles faisaient plus attention, des couleurs dans les syllabes, les mots, les phrases, les textes.
J’ai toujours fait ainsi. Les entendant, j’écris avec et fais donc comme si tout le monde entendait.
J’ai constaté aussi, le peu de fois que j’ai mis ce point en discussion, que tout le monde n’entend-voit les mêmes couleurs. Mais peu importe. D’une part ces variations sont pour la plupart dans une enveloppe de correspondances qui va du plus grave et plus sombre au plus aigu et plus clair. D’autre part, ce qui importe surtout est que pour une personne et un texte donnés les couleurs soient stables ; car il n’est pas question de figuration mais de formes : étages, contrastes, conduits d’un endroit à l’autre, échos, superpositions, etc.
Nous avons commencé par le sonnet des voyelles d’Arthur Rimbaud. Noté quelques inconséquences et plaisanteries avec ses propres assertions qui invitent à la liberté d’interprétation. Fait des essais de dénomination de couleurs. Frotté une même voyelle contre différentes consonnes. Eh bien, pratiquement tout le monde dans l’assistance avait à raconter et échanger. Mon parti pris n’est pas si idiot que ça.
Ensuite, nous avons observé trois modes d’existence des couleurs dans les textes :
Par éclats, battements, pulsations
Pour cette séquence, les traductions somptueuses de Franz Kafka par Laurent Margantin, deux textes : Je suis revenu et « J’étais droit et froid, j’étais un pont ».
En camaïeux
Un poème bref.
Comme couleurs diffusantes
Le rouge du géranium dans Rouge (30-06-05) d’Antoine Emaz (pages 96 à 101, De l’air, Le dé bleu éd., 2006).
Encore merci à Serge Garcia pour son invitation, à toute l’assistance pour les expériences et l’euphorie de nager ensemble dans des bains de couleurs, à la médiathèque et à la ville de Joigny pour leur accueil.