planètes et étoiles vont ensemble
  par gravité
  et ces systèmes sont assemblés par millions
  dans des galaxies
  spirales avec bras
  lenticulaires

  et les galaxies forment des groupes locaux –
  le nôtre, une soixantaine de galaxies –

  et des centaines, des milliers de galaxies
  sont assemblées, par gravité, en amas –
  des amas stables, car aucune galaxie
  ne s’en échappe

  et ces amas eux-mêmes
  sont assemblés, par gravité, en superamas

  R. Brent Tully, Hélène Courtois et leurs collègues (2014)
  ont brossé, peigné, les bases de données
galaxie après galaxie : position relative, vitesse, direction
  il faut faire attention, tout bouge très vite, 300, 600 km/s

  la recherche c’est comme une conquête amoureuse :
  on sait qu’il y a quelque chose, on ne sait pas quoi, une amitié, une amitié amoureuse
  une amourette, une camaraderie, un amour, une simple et longue joie
  on en tremble de certitude : il y a quelque chose
  mais il ne faut pas se rater, une erreur, un malentendu c’est vite arrivé
  et est-on si sûr, est-ce qu’on ne se fait pas des idées, va-t-on pas essuyer une rebuffade
  oh
  on y va doucement, à chaque fois on s’aperçoit qu’on se vérifie, qu’on s’entend, que la réciproque est là
  n’en tirer aucune conclusion hâtive
  tu vérifies la galaxie et elle
  par ondes renvoyées, te vérifie aussi

  comment noter dans une image fixe d’abord
  puis dans un film
  les changements réciproques
  et ceux-ci ont-ils un sens, une direction ?
  certes vers le Grand Attracteur, vers l’amas du Centaure
  mais ces mouvements dessinent quoi ? –
  comme dans la montagne on voit l’image fluide des moutons allant à flanc
  un chaos sans cesse changeant, chien de berger aux trousses
  qui finalement dessine la montagne, ses déclivités, le ru traversant
  le rocher qui est contourné –
  il fallait voir plus loin, plus large –
  l’Attracteur qu’on croyait dehors, au loin
  est au centre
  c’est le fleuve central
  dans un canyon
  y convergent les flux de galaxies

  Laniakea
  un super amas de quelques 100 000 galaxies
  de la taille de la nôtre, la Voie lactée
  auxquelles ajouter
  un million de galaxies plus petites, toutes allant ensemble
   à environ 630 km/s

  un ensemble auquel on peut donner ce nom
  Laniakea
  en hawaïen, la langue du peuple de navigateurs qui sur leurs bateaux vont loin et la nuit s’orientent aux étoiles :
  lani – ciel, paradis
  kea – large, spacieux, immense

  Laniakea
  vivant sa vie
  on en a la certitude quand on en voit les contours
  les lignes de partage des eaux

  par cette individuation le superamas Laniakea
  prend place auprès des autres :
  Persée-Poissons, Shapley, Hercule, Chevelure de Bérénice,
  ensemble, univers local et univers voisin, voisin, voisin, voisin
  bulles, mousse d’univers

  adossés à l’inconnu, dessinant, par vides
  par grand vide, les vides, l’inconnue matière
  qui manque

Source : « The Laniakea supercluster of galaxies », R. Brent Tully, Hélène Courtois, Yehuda Hoffman & Daniel Pomarède, Nature, sept.2014.

Extrait de Climats, pages 83 - 86 de la deuxième édition, pages 84-87 de la première.

Climats a d’abord été publié en novembre 2015 aux éditions publie.net. Une deuxième édition, revue et corrigée, léger changement de titre, Climats, épopée, paraîtra le 19 mai 2021 chez le même éditeur. Elle sera accompagnée d’un CD, musique composée improvisée par Fred Wallich (saxo, électro-acoustique) et Philippe Saliceti (piano).
On peut commander en librairie ou dès maintenant en prévente directement chez l’éditeur.