imagine3tigres
  • au hasard
  • analogique
  • Beautés imparfaites
  • La naissance de la paix
  • Poèmes
  • Sur terre
  • poésieschoisies.fr
  • agenda
  • Bestiaire corse
  • Changeons d’espace & de temps
  • Climats, épopée
  • Descartes tira l’épée
  • La Nasse
  • Les Ambassadeurs
  • Les Misères et les Malheurs de la guerre
  • Poèmes brefs, poèmes faciles à lire
  • Poèmes improvisés sur des thèmes siciliens ou crus tels
  • Portraits de Puysaye - La Couleur des mots
  • PP
  • Qui ne disent mot
  • S’en sauver
  • Un hymne à la paix (16 fois)

imagine3tigres

Germaine C.

vendredi 13 septembre 2019, par Laurent Grisel


on vivait dans une petite fermette
on était des bricoliers
une bricole c’est une petite ferme
des petits propriétaires
ils avaient 3, 4 hectares
avec trois vaches, un âne, une chèvre
et ça faisait vivre 5, 7 personnes

mon père était socialiste, il était président
du syndicat des bûcherons
j’ai tout le temps entendu mes parents parler patois

quand on est arrivés ici, on a tout défriché

à l’école on avait des coups de règle si on parlait patois
il y avait même comme une ségrégation dans le bourg
les jeunes filles sortaient de l’école
avec leur certificat d’étude ou pas
elles se mettaient à la broderie
pour les grandes maisons de Paris
elles brodaient des draps, des serviettes, de la lingerie fine
à côté des filles de la campagne comme moi
c’était des demoiselles
j’étais obligée de soigner les bêtes
le soir quand on rentrait de l’école
mais j’avais la chance de les amuser tellement, à l’école
qu’elles me laissaient tranquille

c’est de patois surtout que je me suis occupé
j’ai fait du bénévolat pendant 20 ans
j’ai usé une voiture
à aller dans les clubs où on m’appelait
je les ai tellement fait rire
que j’étais aussi heureuse qu’eux
les contes, les poèmes, c’est moi qui les ait écrits
de ce que j’ai vu, entendu

ma mère avait la même maladie que moi, l’arthrite
elle était là assise devant moi,
et elle me regardait
   Tes mains, ma mèe
   T’es là tranquil’ dépis c’matin
   Pardue en pensées, les yeux fixes.
   Y sont là tes quatre-vingt-dix.
   Tu les r’gardes en d’ssus et en d’sous
     Tes mains
   Tu doés r’vouer passer toun’ enfance
elle avait 10 ans et c’est elle qui a habillé sa mère morte
   Quanq à dix ans et sans défense
   fallu qu’habillaient ta mée
     Tes mains
elle pensait tout le temps à tout ça
   V’là qu’d’ête heureux vous commançaint
   Quanq, après enn’ longue endurance
   Ton vieux est parti, sans souffrance
   C’jour là, y z’ont farmé les yeux
     Tes mains
   Des mauvais jours té creyais la fin…
   La foué qu’y v’nus pou t’el die,
   Qu’pou ton pus grand ç’atais fini
   Té les as pourtées à tes yeux,
     Tes mains


j’avais appris à traire très tôt
ma mère avec ses mains elle avait du mal à traire

j’ai adoré garder les oies
c’est une bête que j’aime
on a eu vingt et une oies, ici

quand mon mari revenait
elles descendaient du champ là-haut
en volant
elles arrivaient devant la cuisine
elles faisaient tellement de bruit
que mon mari se tenait la tête à deux mains

j’aime tous les arbres
c’est les chênes que je préfère le plus
là dans le champ il y en a trois beaux
mais énormes
quand on est arrivés ici ils avaient 30 ans peut-être
ils ont dans les 70, 80 ans
ils sont trois fois plus gros que ceux du bois
puisqu’ils ont de l’air
et de la lumière



Dessin de Marie-Pierre Vagne-Laboulandine.
Le poème « Tes mains... » est extrait du recueil En chicotant mes braisons, Poèmes patoisés en parler nivernais (bords de Loire), Briare, Imprimerie nouvelle,1981.
Ici, description du projet et deux autres portraits : Francisco L., Dédé & Dédette L..
Tous les portraits et autoportraits, images et textes, de Portraits de Puisaye - La Couleur des mots, sont dans le catalogue de l’exposition.



^  article précédent article suivant 

  • On fait comment ?
  • C'est qui ?
  • Amitiés
  • Légales
  • RSS
  • Contact