Que reste-t-il des liens originels entre poésie et sacré ? Entre poésie et philosophie ?
Si cette question sous-entend que le sacré est à l’origine de la poésie et que la poésie n’a pas d’autres origines : on peut supposer que la poésie a aussi pour origine la chanson que depuis toujours une mère chante à l’oreille de son enfant pour l’endormir, et la déclamation pompeuse du chef en frac ou habillé de peaux qui cherche à en imposer à ses pairs, et les méchancetés qu’un divinateur répand en formules symétriques et rythmées sur son concurrent afin de détruire à jamais sa réputation, et ainsi de suite. Berceuses, éloges, prosopopées, épigrammes, épitres, portraits, chansons de galère et de métiers : je suis sûr que toutes les formes poétiques plongent leurs racines loin dans le temps.
Le sacré ?
S’il s’agit du lien de soumission entre des hommes à une puissance supérieure, cela subsiste dans la poésie qui se drape dans ce qu’elle croit être ses prestiges.
S’il s’agit du sentiment d’être humains confrontés au monde étrange et plus grand que nous, alors c’est le sentiment de beauté même et nous ne sommes rien si nous ne souhaitons nous y porter. Pourtant ce ne sont pas les façons d’y échapper qui manquent et une grande partie de ce que nous écrivons s’en détourne.
Quant à la philosophie, s’il s’agit à nouveau et seulement d’impressionner et d’intimider, c’est sans intérêt.
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