Nous serons ce mardi au cœur de la tragédie que vécurent les résistants de gauche au régime nazi, au fascisme européen.
Le face-à-face des sociaux démocrates et des communistes empoisonne et stérilise les tentatives de rapprochement pendant que la répression nazie emporte tous les résistants quelle que soit leur couleur.
Deux personnages dominent l’épisode de ce mardi 11 février : Wehner, le dirigeant du KPD, le parti communiste allemand, qui est bientôt pris dans le filet de la suspicion stalinienne ; Münzenberg, le créateur de journaux rouges qui furent si importants pour l’autoformation politique et artistique d’innombrables militants et sympathisants populaires, qui fut à l’origine de rassemblements d’intellectuels contre le fascisme - lui aussi pris dans la même spirale dégradante dès lors qu’il se permet d’exposer à la direction soviétique une stratégie qui réduirait la puissance montante des nazis.
Comment on efface leur glorieux passé, leur « enlève leur réalité » - et ce qui est en cause, c’est la réalité même. Comment les nécessités de la lutte - les mensonges de la clandestinité, le filtrage des informations par les anticipations négatives, la méfiance, la lutte pour la survie - brouillent informations et repères. Comment le vide se fait autour d’eux.
Tout cela nous le lisons au travers des relations entre le père et le fils, elles aussi prises dans la méfiance puis renouées, confiance retrouvée.
Avec le père du narrateur qui vient trouver les dirigeants socialistes et communistes, contestés, à Paris, à Prague, nous sortons d’Allemagne, nous sommes dans un Paris imaginaire et réel, dans les forêts tchèques avec les réfugiés politiques.
Nous sommes aussi dans les luttes qui conditionnent la préparation de la centurie Thälmann, bientôt le bataillon Thälmann, qui rassemblera les communistes allemand au sein des Brigades internationales en Espagne.
Tout cela, dans ce mélange indicible d’énergie et de mélancolie qui une des marques de ce livre - une atmosphère de pensée et de rêverie, d’enquête et d’action qui ne défait aucune de nos raisons d’agir, aucun de nos désirs, de comprendre, de vivre et d’aimer mais les nourrit - peut-être par l’allure ardente de cette phrase qui fouille et revient sans cesse sur le passé, le tient et le maintient dans notre présent.