Quand j’ai repris les lectures de L’Esthétique de la résistance, en mai 2013, grâce à l’appui de C3V, j’avais de très nombreuses raisons : donner à entendre la beauté d’un texte écrit pour la voix ; écouter comment les questions des rapports entre art et politique peuvent être posées, du point de vue d’un narrateur qui est à la fois ouvrier, militant antifasciste, et qui s’interroge sur sa vocation d’écrivain ou de peintre, il ne sait pas encore ; me mettre à l’épreuve d’un texte de souffle long dans un temps où je cherche à écrire des poèmes longs, etc. Ces raisons sont plus vives que jamais. Aujourd’hui, fin novembre, début décembre 2015, s’y ajoute l’urgence de prendre du recul, de réfléchir au temps présent à la lumière du passé. On ne pouvait pas deviner, en mai 2013, que cette lecture continuerait en état d’urgence, en état de suspension des garanties constitutionnelles (liberté de manifester, soumission de la justice à la police, etc.) mais nous y sommes. Et la presse, pour justifier l’application de ces mesures aux forces du libre débat, de la critique des marchés autoritaires et destructeurs, des alternatives à la marchandisation et à la financiarisation de tout, prétend que des voyous se sont attaqués à la police, prétend qu’un mémorial précaire, édifié en hommage aux victimes des tueries du 13 novembre dernier, a été piétiné par les manifestants. C’est faux. C’est la police qui a frappé, c’est la police qui a profané. De nombreux témoignages et preuves sont disponibles, par exemple ici : Ce que j’ai vu de mes yeux place de la République et là, une vidéo réalisée par taranis news.
Mais ce mardi nous sommes à l’été 1939, les républicains espagnols sont battus, les nazis ont déjà pris possession de la Tchécoslovaquie, un pacte de non-agression a été signé entre l’ Allemagne et l’Union soviétique. Et nous sommes avec le narrateur dans une grande pièce de la villa occupée par Bertolt Brecht, à Stockholm, en pleine séance de travail collectif.
Les différentes séquences de ce mardi sont des variations sur le thème de la lucidité et des illusions dans les temps les plus difficiles.
Le sujet de la pièce en cours de conception, de création, est l’arrivée de républicains espagnols en France. Différentes analyses de la défaite espagnole se confrontent.
...il apparut clairement qu’il avait fait venir des membres de groupes politiques différents pour comprendre à partir de points de vue contradictoires quelles pouvaient être les raisons de l’effondrement des républicains.
L’Esthétique de la résistance, vol. II, p. 159.