De : Laurent Grisel
Envoyé : mercredi 28 juillet 2010 07:36
(…)
Tes textes sont justes, j’ai tout lu avec plaisir, parfois encore plus que ça. Si tu veux aller plus loin, tu peux les relire et, avec ton regard mental, te demander pour chaque ligne ce que serait le texte sans elle. Par exemple (…) je ne saisis pas, est-ce utile ? Essaie de relire tout sans ce vers, tu verras, ressens plus nettement le petit ébranlement. Autre exemple (…) je ressens la deuxième strophe trop longue. À toi de voir !
Amitiés,
Laurent
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Envoyé : mercredi 28 juillet 2010 19:53
À : Laurent Grisel
Qu’appelles-tu le regard mental ?
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De : Laurent Grisel
Envoyé : jeudi 29 juillet 2010 09:00
Objet : regard mental
Quand tu lis ou relis, il y a le regard de cette lecture.
Si tu relis en essayant d’autres mots (essais de remplacement) ou d’autres dispositions (essais d’interpolations) tu superposes à ce premier regard un autre, disons-le mental car il ne regarde aucun mot écrit mais les mots et ordres de mots alternatifs présents seulement à l’esprit.
C’est la comparaison des différentes possibilités qui te permet de choisir de suite parmi elles, ou d’essayer d’autres possibilités – non seulement par comparaison de mots mais surtout en gardant simultanément sous l’attention et en comparant les effets sentimentaux, logiques, musicaux, etc. que produisent le texte initial et les autres textes possibles.
C’est ce que tu fais à chaque fois que tu remplaces un mot par un autre.
Le métier est de développer cette capacité, de savoir s’arrêter plus longtemps au-dessus du texte.
Mais ce que je viens de te raconter est incomplet.
Même, beaucoup de laideurs en littérature viennent de la croyance (appartenant à certaines variantes, dites formalistes, de la religion littéraire) selon laquelle on écrit avec des mots (dans le meilleur des cas les mots avec certaines de leurs résonances), viennent de ce qu’on applique à la lettre ce que je viens de te raconter.
Mais tu ne fais de la littérature que si tu te tiens, aussi, en même temps, au-dessus de la source ; j’appelle ainsi ce qui est à la source du mouvement d’écriture, quoi que ce soit.
C’est d’établir cette relation de manière relativement stable dans un arrangement de syllabes à effets multiples, ces effets cohérents avec cette relation, qui fera du texte un inducteur de relations relativement stable à disposition de tout un chacun, de tout lecteur en relation aux sources.
Ta recherche et ton choix peuvent être décrits, géométriquement, comme une superposition - non des arrangements de syllabes et de mots proprement dits mais de leur ombre portée, de ce que leur nuage vif produit d’énergies, de mouvements, d’idées, d’humeurs, de musiques, d’intelligences, d’espaces… - une superposition de leur ombre portée, et de celle produite par la source.
C’est long à expliquer, c’est immédiat à l’intuition, dans l’écriture cela dure longtemps.
Pour résumer, en récriture sers-toi de tes grandes oreilles qui te font entendre toutes les réverbérations de la source et du texte.
Tu as commencé de le faire, continue.
Bonne énergie à toi, ami.
Laurent