Jeudi 20 septembre 2007
Parmi ceux qui expliquent que cette crise sera plus vaste que celle de 1929, Mostafa Belkhayate, découvert grâce à un lien de Laurent Gosse. M. Belkhayate prévoit un « tsunami financier » en 2007-2008. Il recommande d’acheter de l’or physique parce que le dollar va chuter parce que les USA sont trop endettés et que tous les pays veulent remplacer le dollar de leurs réserves par de l’or, etc. Cet article date du 3 avril 2007.
Il donne ce beau portrait de lui-même, du spéculateur comme artiste zen :
La performance du spéculateur ne dépend jamais de ce qui se passe dans les marchés mais de ce qu’il ressent au moment où il passe ses ordres et de son interprétation personnelle de ce qu’il voit sur les marchés.
Le moyen le plus efficace de récolter de l’argent est d’en donner. On ne donne pas pour récolter mais pour être en harmonie avec le flux financier et participer à sa circulation. Et lui ne nous oublie jamais. (...). Quand on donne de l’argent, quelle que soit la somme, on lève les barrages intérieurs créés par la peur du manque et on laisse couler librement le courant de notre rivière d’abondance.
Il en est exactement de même quant on accepte de recevoir et donc d’encaisser les profits offerts par le marché. La majorité des traders ne comprennent pas qu’ils devraient encaisser les petits profits qui se présentent, car ces derniers sont annonciateurs de profits encore plus conséquents. Pour avoir la foi en cette étrange loi, il faut l’avoir expérimentée à maintes reprises.
Souvent on est amené à refuser un cadeau, une offrande ou tout simplement une chance par " éducation " , par " timidité ", par modestie ou par politesse.... Grosse erreur : refuser quelque chose qui vient à nous c’est bloquer la providence. Que ce soit un bien matériel ou un sentiment de l’autre, il faut savoir accueillir ce qui vient à nous et nous souvenir à chaque instant que nous ne sommes qu’un canal de passage dont la mission est de véhiculer dans de bonnes conditions tout ce qui vient à passer. (...)
Un bon spéculateur est un homme (ou une femme ) qui a l’humilité de reconnaître qu’il (elle ) n’est qu’un pont, un simple lieu de passage. Et l’art de la spéculation consiste à juger des moments opportuns pour fusionner dans l’harmonie les rivières dont nous avons la charge avec les fleuves bouillonnants de l’Univers financier.
Il ne faut pas hésiter entre telle et telle analyse. Il faut d’abord s’écouter soi-même. Prenons la décision au dernier moment, l’Univers financier nous le rendra.
(…) vous aurez en général tendance à jouer une hausse si votre moral est haut et une baisse s’il est bas. Si vous vous êtes disputé avec votre femme et [que] vous vous en voulez , vous allez choisir une position perdante pour vous punir, (…)
Par conséquent la première chose à laquelle on doit penser avant de commencer à trader c’est justement de ne pas trop penser. Il faut libérer votre esprit. C’est très difficile, je dois vous l’avouer. Il s’agit cependant d’une des qualités clé de l’excellence dans ce domaine.
C’est exactement ce que nous enseignent les maîtres du pinceau et du tir à l’arc.
Vous voilà assis devant votre écran.
Votre position est confortable et paisible. Vous voyez défiler les courbes du dollar, du pétrole, des indices boursiers...Il y a des pensées qui surgissent, des pensées agressives, des pensées heureuses, des pensées troublantes, des pensées agréables...mais vous vous n’en occupez pas.
Vous ne vous raidissez pas, vous ne réagissez pas, vous n’y accordez aucune attention.
Vous êtes assis tout simplement et vous regardez.
La forme de la spéculation la plus fondamentale est pure attention :
Observer sans s’accrocher, sans s’attacher, sans juger. Observer le va-et-vient des cotations. Écouter les émotions, les inquiétudes et le dialogue qu’il y a derrière ces chiffres, ces graphiques.
C’est sa définition du présent :
Là vous êtes en plein dans le présent. Avec la pratique vous pourrez arriver à avoir accès à une partie du Savoir Universel …et la spéculation n’aura plus aucune importance puisque vous serez dans une autre dimension…
(…) Gardez l’humilité de vous en tenir au rôle de témoin de ce qui se passe sur les marchés. Ne tombez pas dans cette tentation de certains grands Traders qui sont plus préoccupés d’être acteurs des marchés que de faire des profits.
Il nous donne généreusement son secret :
Cette façon de trader m’est personnelle. Je la livre comme on livre un secret. En l’utilisant régulièrement, vous apprendrez à moins penser et par conséquent à ressentir davantage. Et c’est l’essence même de la communication avec soi.
Le présent l’emporte sur tout. Ne pas s’y tenir explique les mauvaises décisions. Notre cerveau est bien plus rapide que toutes nos soupesées, hésitations, prévisions.
Voilà un Trader qui s’est porté vendeur à découvert sur le blé. Et supposons que le temps se gâte et brusquement le blé commence à monter. Cela veut-il dire que ce Trader s’est trompé ? Bien sûr que non !
Il a simplement pris une décision que le marché n’a pas acceptée. Qu’à cela ne tienne ; il encaisse le plus tôt possible sa perte et se repositionne dans le sens du train.
Ne pas avoir peur de se tromper fait partie de la qualité d’un bon spéculateur, mais cette qualité doit aller de pair avec celle de reconnaître le plus vite possible qu’on n’est pas dans le sens de la marche.
On dit que les spéculateurs sont moutonniers. On oublie qu’il y a une mystique du mouton.
Dans ce présent le marché du blé est un marché, il n’y pas de blé. Pas de paysans, pas de faim – pas de causes, pas de conséquences.
Il suffit que la spéculation sur le riz parte à la hausse pour que des gens (ceux qui l’achètent pour vivre jusqu’au lendemain) crèvent de faim.
Le vrai professionnel est sans causes et sans conséquences. Il est pur acte dans le flux. Il est sans volonté contraire au flux.
Il tue. Il est un voyou armé et qui tire en même temps que d’autres innombrables criminels et il n’entend pas la détonation sans nombre, sans dimension.
Il y a cette sorte de professionnel décrit dans le film de Rony Brauman et Eyal Sivan, Un Spécialiste : sans avant ni après, il se consacre à sa tâche, telle qu’elle est définie par d’autres. Il y a un horizon mais chimérique. Sa responsabilité est limitée à ce qu’il lui a été assigné. Il se définit ainsi : être professionnel, c’est faire son travail parfaitement et ignorer les fins. Dès lors, il ne peut pas ne pas être l’instrument de crimes. En ce sens, tout professionnel est un criminel.
L’autre sorte, je la découvre maintenant, est donnée, généreusement, par Mostafa Belkhayate. Il n’est pas soumis dans un système morcelé et explicitement autoritaire. Il se met lui-même dans un flux et ignore tout du reste. Il fait l’apologie de son présent qui est la négation de tout ce qui précède et de tout ce qui suit. Il est calme, droit, concentré. Il fait le geste décisif avant même de savoir qu’il le fait.
Je pense que M. Nicolas Sarkozy ne finira pas son premier mandat présidentiel.
Il va subir la crise économique.
Il va vouloir nous entraîner dans la guerre aux côtés des USA.
Il va fatiguer et diminuer ses collaborateurs et les faire partir.
Il est déjà méprisé par ceux qui l’ont fait élire, comme le fut Bernard Tapie en son temps et pour les mêmes raisons.
Ils ne le garderont que tant qu’il peut encore leur servir.
Le moment venu, il viendra vite, ils en chercheront un autre.
Il y a dans Les Échos d’aujourd’hui, page 5, en bas d’un article sur ses relations avec son soi-disant premier ministre, un petit article, « les risques d’un management par pression constante » qui lui donne une leçon. Après tout, puisqu’il brandit toujours l’entreprise et l’efficacité. « Les entreprises reviennent de plus en plus sur les organisations qui visent à mettre leurs collaborateurs en concurrence pour les pousser à la performance. » « Le management autoritaire est révolu », etc. Quand même, ça fait un bout de temps que Louis de Funès a ridiculisé la gesticulation autoritaire, non ?
Je découvre la très bonne chronique de Henry C K Liu sur le site Asia Times. Toute la soirée, pendant le match de rugby, je transcris en document unique et je lis en diagonale les six chapitres de The coming trade war, la guerre commerciale à venir, publié en 2005.
En fin, ceci :
The resultant global economic depression from a trade war between the world’s two largest economies will in turn heighten further mutual recriminations. An external curb from the US of Chinese export trade will accelerate a redirection of Chinese growth momentum inward, increasing Chinese power, including military power, while further encouraging anti-US sentiment in Chinese policy circles. This in turn will validate US apprehension of a China threat, increasing the prospect for armed conflict.
Guerre commerciale : elle a en effet commencé fin 2006 ; il avait raison. Mais : de la guerre commerciale à la guerre tout court ? Je ne suis pas sûr de bien comprendre.
Coïncidence, je viens juste de finir le premier chapitre du livre de William Blum, Les guerres scélérates : les interventions de l’armée américaine et de la CIA depuis 1945. Il raconte les interventions incessantes en Chine de 1945 jusqu’aux années 1960 directement sur place en soutien à Tchang, via le Tibet, via la Birmanie, via le Laos, etc. Les infiltrations, parachutages d’agents spéciaux, le largage, de janvier à mars 1952, de bactéries et d’insectes sur la Corée et sur la Chine du nord-est (38 aviateurs US capturés ! Qu’est-ce que c’est que cette opération de pieds nickelés ??). Encore aujourd’hui, la marmite tibétaine entretenue sur le feu, on ne sait jamais, il pourrait y avoir une révolte réussie, un jour, et qu’entretemps des moines brûlent, peu importe, géopolitique et indignations sélectives avant tout.
Blog de Barbara Ehrenreich : nous avons vu l’ennemi et nous nous sommes rendus. L’ennemi, c’est l’industrie financière. Lâcheté des démocrates sur la question de l’assurance santé (non, pas la sécurité sociale). Le pire, écrit-elle, c’est Clinton l’ex-président démocrate qui emprunte aux républicains l’idée de rendre obligatoire l’assurance auprès des bancassurances. C’est logique : c’est sous Clinton que plusieurs virages décisifs de la financiarisation ont été pris. (voir Pizzigati, Greed and good).
Version initiale des notes prises le jeudi 20 septembre 2007, la version publiée de ce jour sera plus courte... Ce chapitre comprend aussi des notes prises les 17, 18, 19 et 21 septembre 2007.
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Mostafa Belkhayate donne maintenant (2014) ses conseils sur http://belkhayate-forex.blogspot.fr/ et sur http://www.belkhayate.com/
L’autoportrait de M. Belkhayat a fait l’objet d’une performance, le 13 février 2010, dans la galerie ARKO à Nevers, à l’invitation de Philippe Zunino, dans le cadre de son exposition « Être avec. Les conditions sociales du style » (avec Isabelle Carlier, David Legrand, Maryline Chutet, Jean Bojko, Laurent Grisel, Benjamin Thomas, Bruno Marande).
Journal de la crise de 2006, 2007, 2008, d’avant et d’après, sommaire des notes reprises sur ce site, publiées ou inédites : effondrement jour après jour.
Publication intégrale de 2006 sur le site de Laurent Margantin, Œuvres ouvertes. Voir la présentation et le sommaire avec les liens directs vers les chapitres.
On trouve l’édition définitive de ce premier volume, 2006, chez publie/net (papier et numérique) ; la version papier se commande en librairie.
Quelques-unes de mes sources.
Un entretien à propos de ce Journal.