mes parents, mes grand-parents faisaient des sabots ici
ils ont arrêté la saboterie en 1963
les machines sont de 1929, tout marche encore
on n’avait pas rien, on avait une vache et 5 chèvres
dans la ferme de ma grand-mère on avait 8, 10 vaches
à la fin on avait 176 ha, exactement –
250, 270 bêtes – un cheptel inscrit Charolais
notre toute petite ferme nous faisait vivre
on faisait le beurre, les fromages, les légumes
il y avait les chèvres, les vaches, les 50 cases à lapins
on fournissait des restaurants
et on faisait des extras le dimanche dans un restaurant
le reste du temps c’était pour faire tourner la ferme
on n’a jamais coupé les cornes
pour qu’elles ne se battent pas il faut faire des lots
elles se connaissent, elles restent tranquilles
ces cornes courbées c’est beau, c’est une fierté
en période de vêlage, c’est pas se coucher souvent
ça vient la nuit
quand il fait bien froid, moins 10, des moins 24 une année ou deux
on se met torse nu, on y met le bras entier
ça va très loin, on est au chaud là-dedans
on va chercher le veau, on le saisit, on le tire
et la vache pousse
et là : le veau est debout tout contre sa mère
quand on les sèvre, ça pleure
aussi bien la mère que l’autre
on travaillait beaucoup sur prairies naturelles
en pâturages tournants
pour faire un bon pré en Puisaye il faut 7 ans
les premières années on sème des mélanges
du ray-grass, de la fétuque, comme graminées
et comme légumineuses de la minette, du trèfle banc
du lotier
mais c’est pas de l’herbe qui est prévue pour rester longtemps
au bout de 2, 3 ans ça va diminuer
c’est une période creuse, en attendant
que l’herbe sauvage reprenne le dessus
en attendant que ça vienne
en vraie prairie naturelle
alors on retrouve de la minette, du trèfle blanc
et des herbes qui étaient restées d’il y a très longtemps
de la grande oseille, mais les vaches n’aiment pas
c’est acide, elles font tout le tour, elles savent
la solution c’est le chaulage
dans les grandes cultures aussi, ces remontées de graines anciennes
il y a eu, dans les années 80, une invasion de folle avoine
la folle avoine était cultivée au moyen-âge
dans les années 30, 40, on ne connaissait pas la folle avoine
ça vous envahit un champ de blé
ça démarre trois fois plus vite que le blé
il n’y a pas grand-chose à manger dans la folle avoine
il n’y a pas d’amande, qu’une toute petite amande
il faut 7 ans pour faire un bon pré
le temps pour les vaches de faire le pré
il faut qu’il soit bien brouté
plus c’est coupé près plus ça va bien
la Puisaye c’est très humide, c’est sauvage
on a drainé au moins 65 à 70 hectares
l’eau s’en va dans les rios
aujourd’hui, 50 ans sont passés
dans les grandes cultures les rendements n’augmentent plus
la terre est fatiguée
à la retraite j’ai créé un musée dans notre ferme
avec les machines à sabot de mes grands-parents
avec des machines et des outils agricoles d’autrefois
que je vais chercher partout en France
mon musée c’est « à la recherche du temps passé »
pas « la recherche du temps perdu »
il n’est pas perdu, le temps, il est toujours là
Dessin de Marie-Pierre Vagne-Laboulandine.
Ici, description du projet et deux autres portraits : Francisco L., Germaine C..
Tous les portraits et autoportraits, images et textes, de Portraits de Puisaye - La Couleur des mots, sont dans le catalogue de l’exposition.