Étendre les gains environnementaux à la filière : les bénéfices de la coopération
L’enjeu, pour l’amélioration de la communication entre industriels d’une filière, est de voir les impacts environnementaux gérés en vue de leur réduction en tous points des cycles de vie des produits. Cette intégration permet d’atteindre les petits sites industriels.
D’un point de vue économique, la meilleure gestion d’une entreprise permet de réduire l’ensemble des coûts associés à la mauvaise prise en compte de l’environnement – coût d’assurance et coûts de réparation – permettant ainsi de réduire les coûts associés aux produits.
L’aspect « filière » apporte un plus : il amplifie les bénéfices. Par exemple, si deux entreprises (A et B) collaborent, chacune réduisant de 10 % des impacts ou ses coûts, le bénéfice global sur les consommations et les rejets de A et de B est supérieur à 10 % (figure 9.1). Cette « propagation » du bénéfice n’est possible qu’en collaboration.
L’information, clé de la coopération
Un des enjeux majeurs pour les entreprises est la compréhension mutuelle des informations échangées, ainsi que la protection des informations financières clefs de l’entreprise (par exemple le bénéfice tiré de la vente d’un produit) vis-à-vis de son client. La compréhension mutuelle implique l’adoption de conventions de descriptions fondées et d’un langage commun aux différents intervenants ; ceux-ci peuvent être stabilisés sous forme d’une norme.

Figure 9.1 Les gains liés à la coopération sur le cycle de vie.
Ce qu’on ne peut faire qu’en coopération : augmenter le gain individuel.
Les deux entreprises A et B se sont améliorées de 10 % (rejets diminués de 10 %, pertes matières diminuées de 10 %) et le bilan global s’améliore de plus de 10 %, soit 12 % pour le bilan matière et 15 % sur les rejets de l’entreprise A.
Ainsi, il est important
– que chaque industriel soit formé à la compréhension des informations échangées,
– que chaque fournisseur soit capable de produire des informations fiables et adaptées à ses produits,
– que chaque client soit capable de demander les informations caractéristiques des produits et ne cherche pas à recueillir des informations non significatives.
L’échange doit être spécifique, approprié et crédible pour durer. À cette fin, il est nécessaire d’engager un dialogue entre client et fournisseur afin d’établir en commun les bases des échanges d’informations. Le langage commun adopté permettra aussi bien l’échange direct entre industriels que le recours à un tiers permettant de gérer les aspects concurrentiels.
Une crainte récurrente de l’industriel qui fournit des informations environnementales est que ces informations permettent à son client de calculer sa marge pour les produits vendus ou encore que son client puisse comprendre ses secrets de fabrication. Cette crainte est fondée. Cependant, il est possible de prendre des mesures simples pour que les informations fournies soient justes et complètes, mais ne permettent pas au client d’accéder aux secrets de fabrication (savoir-faire) ni aux marges réalisées. Ces mesures sont fondées sur la réalisation de bilans d’ACV intégrant les informations amont au fournisseur, comme par exemple les impacts liés aux consommations de matières et d’énergie.
Ces précautions peuvent, si elles sont appliquées de façon déloyale (flux caractéristique de l’inventaire supprimé de l’affichage final, valeur modifiée une fois agrégée, choix inapproprié du modèle énergétique amont, détermination biaisée des facteurs d’allocation…), non seulement protéger la confidentialité mais aussi cacher des informations nécessaires à la réduction des impacts environnementaux en coopération…
La réalisation du compromis entre transparence et confidentialité implique que les choix méthodologiques permettent de quantifier les impacts pertinents pour une filière donnée, en précisant par exemple les critères d’allocation entre flux, les modèles énergétiques à retenir, les listes de flux à afficher par défaut…
C’est cette logique qui a incité à établir des normes par secteur industriel, chaque secteur étant confronté à des enjeux environnementaux spécifiques.
En outre, les industriels d’un même secteur étant en concurrence entre eux (les différents matériaux de construction offerts aux choix d’un maître d’œuvre ou d’un architecte…), une norme sectorielle assure chacun des acteurs que les règles de concurrence sont les mêmes pour tous.
Extrait du chapitre 9, pages 122 à 125, de Philippe Osset & Laurent Grisel, L’analyse du cycle de vie d’un produit et d’un service, applications et mise en pratique, AFNOR éditions 2004, 2008.
Vous pouvez le commander chez votre libraire.